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Valérie Fourneyron donne le coup d'envoi d'une année décisive pour le sport français
"Vous avez fait quoi pour le sport depuis huit mois ?" s'est auto-interrogée Valérie Fourneyron lors de ses voeux à la presse, mardi 29 janvier, à Paris, anticipant les questions qui allaient lui être posées. Si certains ne voient rien venir depuis son arrivée à la tête du ministère des Sports, de la Jeunesse, de la Vie associative et de l'Éducation populaire, la ministre a une explication toute trouvée : "Pour employer une métaphore marine, depuis huit mois, j'ai colmaté les brèches qui étaient sous la ligne de flottaison du bateau sport."
Ces brèches sont connues. Un récent rapport de la Cour des comptes sur le sport pour tous et le sport de haut niveau leur a même apporté un sévère coup de projecteur (lire notre article ci-contre du 17 janvier). Cette sévérité du gendarme financier, Valérie Fourneyron ne l'a pas désavouée, bien au contraire. Les remarques acerbes de la Cour – modèle d'organisation daté, inégalités d'accès à la pratique, dérives du Centre national pour le développement du sport (CNDS), saupoudrage des subventions publiques, solidarité entre sport professionnel et sport amateur insuffisante – ont apporté de l'eau à son moulin. "En général, les rapports de la Cour des comptes font rarement plaisir aux pouvoirs publics. On les craint. Ce rapport est pour moi une satisfaction. Depuis huit mois, plusieurs des préconisations de la Cour sont déjà sur la table et déjà enclenchées."
Rénover la législation du sport
Bien lancée dans ce qui apparaît comme un exercice délicieux pour elle, Valérie Fourneyron avance la question suivante : "Quelle va être la grande mesure Fourneyron pour le sport ?"... et y répond dans la foulée : "J'espère avoir un gros avantage vis-à-vis de mes prédécesseurs, celui de durer. Pour qu'il reste un héritage et pas simplement le règlement de dossiers, il faut pouvoir durer." Durer combien de temps ? Pour quoi ? Au moins une année entière pour mener à bien un chantier imposant : une grande loi de modernisation du sport. Lyrique, Valérie Fourneyron cite alors Montesquieu qui écrivit que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Hors de question donc de faire "une énième petite loi qui viendrait compléter un Code du sport déjà extrêmement complexe". Le futur texte rappellera donc le droit au sport pour tous, la place du sport en matière éducative et de cohésion sociale, la place de l'Etat dans la correction des inégalités territoriales, la relation en pleine évolution entre l'Etat, les collectivités locales, le monde associatif et les partenaires privés, etc.
Quand on lui demande plus précisément quelles mesures elle inscrirait dans le futur texte pour rénover les relations entre collectivités et sport professionnel, Valérie Fourneyron répond qu'elle souhaite "un nouvel équilibre". "Aujourd'hui, en termes d'utilisation d'équipements sportifs par des sociétés commerciales, il y a des relations extrêmement diverses, avec des redevances qui vont du simple au décuple, explique-t-elle. On est parfois dans le cadre de PPP, parfois il s'agit simplement d'échanges de prestations. Il y a à l'évidence besoin de trouver un nouveau modèle dans la relation entre la collectivité et le club professionnel. Les
clubs ne peuvent pas dire qu'ils sont des entreprises comme les autres, d'un côté, et d'un autre côté souhaiter quelques dérogations par rapport à l'argent public. Le football a des moyens qui lui permettent d'avoir un équilibre éminemment différent de celui d'autres disciplines. Toute la difficulté de l'exercice est de ne pas tout traiter sous l'angle d'une seule discipline, celle dont on parle le plus, le football." Celle qui a été maire de Rouen, siège d'un club professionnel en hockey sur glace, sait que certaines disciplines ne peuvent survivre à ce niveau sans argent public. Le projet de loi est attendu à la fin de l'année en Conseil des ministres.
CNDS : un changement de direction et… de nouvelles recettes ?
Autre dossier sensible pris à bras-le-corps par Valérie Fourneyron, celui du Stade de France. "L'Etat a contribué à sa construction mais aussi à sa rentabilité, qui a été excellente, je vous rassure, même si elle s'amoindrit ces deux dernières années. L'équilibre ne peut pas se faire avec l'Etat comme variable d'ajustement", a assuré la ministre. Le consortium Stade de France travaille donc à un nouveau modèle économique qui prend en compte "zéro" indemnité pour absence de club résident – l'Etat ayant versé 115 millions d'euros à ce titre depuis 1998. "Certains scénarii n'ont pas encore été poussés suffisamment loin, comme celui qui consisterait à faire entrer au capital du consortium les deux fédérations concernées [football et rugby]. Nous ne nous interdisons rien : avenant au contrat actuel, résiliation de la concession, rachat, etc. Notre souci essentiel est de sécuriser l'avenir du stade", a conclu Valérie Fourneyron sur ce chapitre.
Cette cérémonie de voeux a aussi été l'occasion d'annoncer des nominations, et notamment celle de Jean-François Guillot, conseiller maître à la Cour des comptes, à la direction générale du CNDS, en remplacement de Julien Nizri. Selon un communiqué du ministère des Sports, "il aura la charge de réorienter l'établissement vers ses priorités originelles de développement du sport pour tous et de réduction des inégalités d'accès à la pratique sportive. Il aura également la responsabilité de la mise en oeuvre du plan de redressement des finances du CNDS voté lors du conseil d'administration du 13 novembre 2012". Un élargissement de l'assiette de la taxe "Buffet" (prélèvement sur les contrats de diffusion des compétitions sportives à la télévision), souhaité par Valérie Fourneyron, pourrait donner de nouveaux moyens financiers à l'institution.
Le sport, un tremplin pour l'emploi et la compétitivité
Dans une fin de discours plus politique, Valérie Fourneyron est revenue sur la priorité du gouvernement, la lutte pour l'emploi. "Le sport contribue à la bataille pour l'emploi, a-t-elle asséné. Un jeune qui s'engage aujourd'hui dans une filière sportive a neuf chances sur dix de trouver un emploi. Depuis 1990, l'emploi salarié sportif a augmenté quatre fois plus vite que l'emploi salarié global dans notre pays." C'est pourquoi 10% des 150.000 emplois d'avenir seront créés dans le secteur sport et jeunesse (lire ci-contre notre article du 28 janvier). Dans quelques jours, la ministre signera des conventions opérationnelles élargies avec plusieurs fédérations sportives, de manière à permettre à 3.500 jeunes d'entamer leur parcours. Puis Valérie Fourneyron a insisté sur les bienfaits économiques du sport : "On a tendance à oublier la place du sport en matière de compétitivité et d'attractivité du territoire. Notre filière nautique est leader mondial, nous pouvons faire la même analyse dans le secteur de la montagne." Et la ministre d'annoncer qu'au sein de son administration, un bureau allait être totalement dédié à l'attractivité économique du sport.
Dernier chantier annoncé : celui des formations. "Un gros chantier, un chantier indispensable", pour Valérie Fourneyron. Selon elle, "il faut sortir de la querelle stérile entre les formations Jeunesse et Sports et les formations universitaires". Les sujets, on le voit, ne manquent pas. Cet agenda précis sera l'occasion pour la ministre des Sports de se reposer la question dans un an : "Qu'ai-je fait pour le sport depuis vingt mois ?"
Jean Damien Lesay
Localtis.info
Jeunesse, éducation populaire et vie associative : une ministre seule face à une tâche immense
Ministre aux responsabilités élargies, Valérie Fourneyron a bien entendu évoqué ses autres missions lors de ses voeux à la presse. Mais beaucoup plus succinctement qu'elle ne l'a fait pour le sport. Elle a rappelé que si elle avait, en matière de jeunesse, le plus petit budget du gouvernement, quarante programmes budgétaires étaient consacrés à des politiques pour la jeunesse… pour une enveloppe globale de 82 milliards d'euros et une hausse de 8% par rapport à l'exercice 2012. Dans ce cadre, le rôle que se donne la ministre de la Jeunesse est celui d'"ensemblier des politiques du gouvernement". Avec un outil de travail principal : le comité interministériel de la jeunesse (CIJ), en préparation depuis trois mois et qui se réunira le 21 février. S'"il ne fait naturellement pas rêver", selon les propres mots de Valérie Fourneyron, ce CIJ est "un élément essentiel de conduite d'une politique publique globale et cohérente". Les priorités en la matière ? Le développement du service civique, la reconnaissance des jeunes comme partenaires sociaux, la réorientation de certaines mesures en faveur des jeunes vers le droit commun (en matière de santé par exemple), l'ouverture à la mobilité internationale, et une meilleure lisibilité du service public de l'orientation à travers les lois de décentralisation.
En matière d'éducation populaire, Valérie Fourneyron s'est félicitée d'être la première sous la Ve république à avoir cette compétence dans un ministère de plein exercice. Mais au-delà de la volonté de réduire les inégalités d'accès à ces "autres espaces d'éducation" que sont les associations, centres de loisirs, etc., le programme est mince. Un souhait tout de même : que les acteurs de l'éducation populaire et les collectivités locales construisent ensemble les activités d'après l'école.
Sur la vie associative, le grand chantier sera la loi sur l'économie sociale et solidaire qui visera à sécuriser les financements publics et les relations entre pouvoirs publics et associations (voir nos articles ci-joints du 10 décembre 2012 et 21 janvier 2013). Le contrat d'engagement bénévole fera également l'objet d'une attention de la part du ministère.
Le traitement un rien expéditif de ces compétences lors des voeux fait apparaître une question : pourquoi Valérie Fourneyron n'est-elle pas épaulée par un ou deux secrétaires d'Etat ?
J.D.L
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