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François Hollande : des blocs de compétences... surtout pour les régions

Les Etats généraux de la démocratie territoriale voulus par le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, se sont achevés ce vendredi 5 octobre dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. La veille, un millier d'élus locaux et de parlementaires s'étaient retrouvés au Palais du Luxembourg pour de derniers échanges assez libres organisés en quatre "ateliers". Vendredi matin à la Sorbonne, l'ambiance était d'emblée plus solennelle puisque c'est le président de la République qui venait s'exprimer devant une partie de ces élus, en présence du chef du gouvernement et de nombreux ministres - Manuel Valls, Marylise Lebranchu, Cécile Duflot, Jérôme Cahuzac, François Lamy… Une allocution visiblement attendue, dans la mesure où ce qui a pu être dit sur la future réforme de la décentralisation n'a jusqu'ici pas toujours été très clair, qu'il s'agisse du contenu de la réforme ou de la façon dont elle serait élaborée.

Certains élus, tout en se félicitant de l'organisation de ces Etats généraux - qui ont commencé en décembre dernier par un questionnaire, auquel 20.000 élus ont répondu, avant de se poursuivre par de nombreuses réunions en région, avec pas moins de 30.000 élus participants -, se demandaient d'ailleurs si tout cela servirait à quelque chose. Se demandaient, autrement dit, si l'exécutif n'avait pas déjà arrêté ses décisions sans attendre les conclusions des Etats généraux. Ce fut même l'une des raisons officielles invoquées par le groupe UMP du Sénat pour annoncer jeudi soir qu'il ne participerait pas à la dernière matinée de travaux. Marylise Lebranchu avait toutefois précisé quelques jours plus tôt que le gouvernement n'avait pour l'heure élaboré que des "options" et que les choix ne seraient faits qu'à l'issue des Etats généraux. Jean-Pierre Bel l'a lui aussi largement souligné en clôture de l'événement : un "texte qui dégagera les idées-forces qui se sont exprimées (…) sera rapidement transmis au pouvoir exécutif" et "la rédaction des projets de lois s'appuiera donc sur la contribution des Etats généraux". Quant à François Hollande, il a déclaré avoir "voulu venir avec des propositions". Mais tout le monde aura perçu que ces "propositions", dans la mesure où elles confirment ce que le chef de l'Etat avait déjà esquissé en tant que candidat à l'Elysée, ont toutes les chances de constituer les lignes directrices de la réforme à venir.

Droit à l'expérimentation

Globalement donc, pas de grande surprise ni de grand bouleversement dans les propos de François Hollande, que celui-ci avait choisi de placer sous l'égide de quatre "principes" : "confiance", "clarté", "cohérence", "démocratie". Toutefois, derrière ces quatre concepts, de vraies précisions ont été apportées. A commencer par une précision de calendrier : le projet de loi de décentralisation sera présenté "début 2013".

Au rayon "confiance", le chef de l'Etat a avant tout évoqué le "besoin d'un cadre stable" pour les collectivités et leurs élus, un cadre qui sera représenté par un Haut Conseil des territoires. Ce Haut Conseil "sera l'instance de concertation et de négociation" entre l'Etat et les collectivités, sera "saisi sur chaque texte concernant les collectivités" et regroupera le Comité des finances locales (CFL), la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) et la Commission consultative d'évaluation des charges (CCEC), a-t-il fait savoir.

Confiance, encore, en matière de "droit à l'expérimentation". "Ce droit existe déjà mais il est entouré de tant de conditions qu'il n'est jamais mis en oeuvre", a considéré François Hollande, annonçant par conséquent que ce droit sera "élargi et assoupli".
Dans ce même registre, il a aussi évoqué le fait d'"envisager, dans des limites bien précises, un pouvoir d'adaptation locale de la loi lorsque l'intérêt général le justifie compte tenu des spécificités du territoire, pour tenir compte de la diversité des territoires". Tout en convenant que cette question n'était "pas simple".

Enfin, il a repris la fameuse question de l'"allègement des normes" qui, il est vrai, fait l'unanimité parmi les élus et a occupé une très large place dans les doléances des élus au fil des Etats généraux. Rappelant qu'aujourd'hui, pas moins de "400.000 normes seraient applicables", rendant la situation "inacceptable", y compris en termes de délais de réalisation des projets locaux et donc de coûts, François Hollande a déclaré proposer "une méthode nouvelle" incluant trois règles : aucune norme ne pourra être décidée sans un avis positif de la CCEN (on sait en effet que le cas contraire s'est déjà produit), commission dont la composition "sera renouvelée" ; toute norme "qui n'aura pas été confirmée de manière expresse à une date que fixera la loi deviendra immédiatement caduque" ; la création d'une nouvelle norme devra être assortie de la suppression d'une norme existante.

Emploi, formation, soutien aux PME

Le deuxième principe, celui de la "clarté", doit signifier la fin de la "confusion des responsabilités" aussi bien entre l'Etat et les collectivités qu'entre les collectivités elles-mêmes. "L'Etat continue d'intervenir" y compris dans les domaines ayant théoriquement été transférés aux collectivités, a souligné le président, faisant là encore écho à l'une des constantes de ces Etats généraux : l'impatience des élus locaux devant un Etat qui "se mêle de tout"… D'où l'une des pièces maîtresses du dessein présidentiel : "Je propose que le projet de loi aille jusqu'au bout de la logique des blocs de compétences." S'agissant de la définition des compétences entre Etat et collectivités, François Hollande a principalement confirmé que "la loi devra clairement confier aux régions l'ensemble des attributions qui sont encore celles de l'Etat en matière de formation professionnelle, d'orientation, de mise en cohérence des politiques de l'emploi au niveau territorial". "La région doit avoir vocation à piloter l'ensemble des politiques conduites dans les domaines de l'emploi et de la formation" pour un "meilleur lien entre les qualifications proposées et les besoins des entreprises", a-t-il poursuivi. "Aux régions sera également transféré l'ensemble des politiques en matière d'aide et de soutien aux PME", a-t-il de même annoncé, évoquant à ce titre l'importance de la Banque publique d'investissement (BPI). Autre confirmation : la gestion des fonds structurels sera confiée aux régions. Une gestion qui deviendra ainsi "plus économe, plus rapide".

Les autres niveaux de collectivités, en revanche, ne devraient pas faire l'objet de transferts de compétences très spectaculaires. Ainsi, s'agissant des départements, François Hollande a uniquement indiqué qu'ils pourraient se voir confier "l'ensemble des politiques du handicap et de la dépendance, hors champs de l'assurance maladie". Quant au bloc local, il "partagera" avec l'Etat le champ de "la transition énergétique" – ce à quoi on pourrait peut-être rétorquer que c'est déjà largement le cas...

De nouveaux modes de scrutin

Le chef de l'Etat estime aussi nécessaire de revoir la "répartition des compétences" entre collectivités. Avec deux précisions préalables : "pas question de revenir sur la clause générale de compétences" et "pas question de revenir sur le principe de non tutelle d'une collectivité sur une autre". Le célèbre principe du "chef de file" est mis à l'honneur (principe qui, a relevé François Hollande, est déjà prévu par l'article 72-3 de la Constitution). "C'est ce principe qu'il faut étendre à tous les domaines", qu'il faudrait voir appliqué en matière "de transports, de logement, de formation, de jeunesse…".

"Dans certains cas, c'est la loi qui fixera" l'identité du chef de file, a expliqué le chef de l'Etat, sans toutefois citer d'exemple précis. Mais dans d'autres cas, il sera préférable de "laisser les collectivités décider entre elles", dans le cadre d'un "pacte de gouvernance territorial", sachant que les configurations les plus souhaitables "peuvent varier en fonction du territoire, en fonction de la taille des collectivités".

Le président a par ailleurs insisté sur "la nécessité d'organiser de grandes agglomérations" au-delà de Paris, Lyon et Marseille, de "donner aux pôles urbains des moyens et un cadre juridique". On saura ainsi que "le gouvernement réfléchit à un nouveau statut de métropole" qui sera inclus dans le projet de loi de décentralisation, sans précision en revanche sur les changements attendus par rapport au statut de métropole prévu par la loi de 2010.

Ce discours de la Sorbonne n'aurait été complet, évidemment, sans son volet élections - un sujet plein de pointillés et de complexités... François Hollande est donc venu lever quelques incertitudes, au-delà du fait de rappeler que le conseiller territorial sera supprimé. Première confirmation : les élections régionales et départementales seront bien reportées à 2015. Et auront alors lieu le même jour. Deuxième élément : le mode de scrutin des élections départementales devra être modifié. Une concertation avec l'Assemblée des départements de France est prévue. En revanche, François Hollande ne s'est pas avancé sur le nouveau mode de scrutin, rappelant seulement que celui-ci devra répondre à deux exigences, celui de l'"ancrage territorial" et celui de la parité.
Quant au mode d'élection des élus intercommunaux, le chef de l'Etat a indiqué que sa "préférence" va au "système de fléchage" - un système, on le sait, qu'une partie des élus intercommunaux réunis le même jour à Biarritz pour leur convention nationale considèrent insuffisant pour assurer une vraie reconnaissance démocratique.

Réforme fiscale

François Hollande a aussi brièvement évoqué le sujet qui fâche – surtout devant de nombreux sénateurs -, celui du cumul des mandats. Oui il y aura bien un texte sur la limitation du cumul des mandats, qui sera présenté au Parlement au printemps 2013, sachant que la commission Jospin qui planche entre autres sur cette question doit rendre ses conclusions début novembre. Le président n'a en revanche pas souhaité préciser l'ampleur de cette limitation. "Il y aura une concertation avec les élus et avec les partis".

Autre sujet qui fâche ? Les ressources des collectivités. Un "pacte de confiance et de responsabilité pour les cinq prochaines années" a été évoqué, sans que soit occulté le fait que des "efforts" seront bien demandés aux collectivités. Au-delà de la question des dotations, François Hollande a promis une "discussion" sur la fiscalité locale. Deux principes ont été mis en avant : simplification et compatibilité avec "la dynamique" des dépenses. "Les régions doivent retrouver une part d'autonomie fiscale", a assuré le chef de l'Etat. Pour les départements, un "paquet financier" sera apporté en 2013. Restera ensuite, a-t-il reconnu, à "trouver un mode de financement pérenne pour la prise en charge de la dépendance". En sachant que parallèlement, la péréquation horizontale sera "élargie et adaptée".

Claire Mallet

Etats généraux : la parole est aux élus...

Jeudi, lors de l'un des quatre ateliers, intitulé "Garantir les moyens et l'efficacité de l'action publique locale" - qui dans les faits, a été consacré principalement aux finances territoriales -, les élus locaux ont souhaité que leurs collectivités disposent de ressources "dynamiques", dans un cadre réglementaire stable, et que la péréquation soit effectuée de manière juste.

Dans une salle du palais du Luxembourg à moitié pleine, où les élus des petites communes étaient nombreux, plusieurs édiles ont tiré à boulets rouges sur la suppression de la taxe professionnelle. Martial Bourquin, sénateur-maire d'Audincourt (Doubs) a critiqué "une réforme bâclée et assez catastrophique" qui prive les collectivités d'une ressource "dynamique" et fait reposer les impôts du secteur communal principalement sur les ménages. Peu de temps avant, Pierrick Massiot, président du conseil régional de Bretagne, avait regretté la perte par les régions de leur autonomie fiscale, à l'occasion de la réforme. "Il sera difficile de rétablir des modes de taux sur toutes les strates, nous le savons. Si nous ne l'obtenons pas, nous réclamons au moins une assiette de produits suffisamment dynamique pour nous permettre d'assumer nos compétences", avait-il ajouté.

Des ressources possédant un réel potentiel de croissance, les communes et intercommunalités industrielles aimeraient, elles aussi, en avoir. En leur nom, Bernard Baudoux, vice-président de la communauté d'agglomération Maubeuge-Val de Sambre (Nord), s'est élevé contre une réforme qui fige souvent plus de la moitié de leurs ressources fiscales. "Alors que tout le monde dit qu'il faut garder de l'industrie en France, c'est se tirer une balle dans le pied si nos territoires ne peuvent assumer une reconversion", a-t-il lancé. De son côté, estimant que la réforme de la fiscalité locale a entraîné une forte imprévisibilité sur les ressources, le maire de Le Broc (Alpes-Maritimes) a rappelé le besoin de stabilité dont les maires ont besoin pour mettre en oeuvre des projets de long terme.

Tout en rappelant de manière unanime leur attachement au maintien d'un lien fiscal entre les entreprises et les territoires qui les accueillent, les élus locaux se sont montrés très favorables à la péréquation. Dans ce domaine, la plupart des élus locaux ont souhaité que les dispositifs dont les critères reposent principalement sur le niveau de richesse des collectivités, prennent mieux en compte leurs charges. Des maires ruraux ont fait valoir, à ce sujet, que leurs communes ont, elles aussi, des charges, qui sont aujourd'hui sous-évaluées. D'où leur demande d'une révision des critères d'attribution des dotations de l'Etat, pour que les mêmes montants soient versés aux collectivités, quelle que soit leur taille.

Plusieurs élus ont appelé à une modernisation des impôts locaux. "Le mode de calcul de ces impôts est désuet", a souligné Joël Bourdin, sénateur de l'Eure. "On doit réfléchir à la réévaluation des bases, pour qu'il y ait moins d'injustice dans la répartition de l'impôt local" a-t-il plaidé. L'élu a souhaité une "généralisation" des redevances. Ces taxes payées par les usagers constitueraient un gisement financier très prometteur pour les collectivités, puisqu'elles "croissent de 8% par an". Certains ont défendu l'idée d'une taxe grevant les actifs financiers des entreprises, tandis que d'autres ont mis en avant des impôts taxant la pollution.

S'agissant des ressources humaines, l'inquiétude des maires ruraux concernant la capacité de leurs communes à attirer des cadres a été une constante dans les interventions. Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), a reconnu l'enjeu de cette question et la nécessité de prendre des mesures statutaires pour y répondre. Ces mêmes élus ruraux ont exprimé le souhait que les formations soient plus facilement accessibles à leurs agents. Jacques Goubin, directeur du cabinet du président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), a indiqué que l'établissement a depuis quelques années revu son organisation pour répondre à cette attente. Les débats ont aussi confirmé que les élus placent beaucoup d'espoirs dans la mutualisation des moyens et des services pour maintenir, voire améliorer la qualité des services publics locaux.

Thomas Beurey / Projets publics
Source : Localtis.info



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